Pourquoi acheter ce que vous allez utiliser ponctuellement ? Pourquoi acheter quand vous pouvez emprunter gratuitement à côté de chez vous ? Pourquoi stocker ce que vous n’utilisez presque jamais ? Sharewizz revisite le prêt, sous entendu l’échange gratuit. Cette plateforme met en relation prêteurs et emprunteurs qui proposent ou cherchent le même produit, et ce à l’échelle locale. Entretien avec Benoît Renoul, fondateur du projet.
La naissance du projet
Le projet Sharewizz, entendez "share with", naît d’une situation particulière, dont son protagoniste comprend vite le potentiel. En 2011, Benoît Renoul entreprend un séjour à la montagne, mais n’a aucun matériel adapté. Pour limiter ses dépenses, il fait appel à son entourage pour savoir si quelqu’un peut lui prêter le nécessaire. Après une annonce sur les réseaux sociaux, un ami le contacte, lui prête son équipement et, comme lui aussi partage le même entrain pour la montagne, il lui donne conseils et recommandations.
Benoît décide, dès 2012, d’extrapoler cette expérience et de créer une plateforme qui permet aux personnes de se prêter gratuitement entre elles. Elle fait intervenir trois composantes :
- les prêteurs. Ce sont les personnes qui mettent à disposition les biens qu’ils sont enclins à prêter. Ils remplissent leur "catalogue" en ligne et indiquent leur lieu de résidence, pour en informer les personnes du même territoire. Tout type de matériel peut être échangé : pour la cuisine, le jardinage, le camping, sportif, culturel, etc.
- les emprunteurs. Ce sont les personnes qui recherchent un bien qu’elles ne peuvent pas acheter à cause de contraintes économiques ou qu’elles ne veulent pas acheter car elles ne l’utiliseraient qu’une seule fois. Ces emprunteurs utilisent la plateforme pour rechercher un objet et contacter le prêteur puis négocier les termes que les deux parties conviendront d’appliquer (durée du prêt, etc.).
- l’objet. C’est le lien entre les deux personnes. Dans un esprit de partage, d’échange, cet objet est voué à la circulation et à la multiplication de son usage plutôt qu’à son stockage.
Les piliers de Sharewizz
Cette forme de partage s’ancre bien dans la consommation collaborative et s’approprie les trois piliers qui la composent :
- le pilier économique. L’aspect économique est indéniable. En se prêtant gratuitement des objets, les membres de ce réseau ne piochent pas dans leur porte-monnaie pour utiliser un bien.
- le pilier social. Sharewizz est un réseau social. Ses membres, outre le prêt du bien en question, peuvent échanger leurs expériences, leurs savoirs, débattre, etc. Vous empruntez un vélo de course pour profiter de la campagne environnante, votre prêteur pourra vous conseiller certaines routes. Vous prêtez un livre, n’hésitez pas à en parler quand on vous le rend. Ce transfert d’expérience autant que la pratique de la gratuité permet la création d’un nouveau lien entre particuliers. Afin de faciliter ces échanges, sharewizz met en lien des personnes d’un même territoire. Cette solidarité de proximité est un nouvel apprentissage et nécessite du temps pour entrer dans les mœurs.
- le pilier écologique. En facilitant les échanges d’objets, on limite la production et la consommation de masse.
Innover, c’est déblayer
Cette plateforme renverse certains a priori et promeut de nouvelles habitudes de consommation. Benoît Renoul le reconnaît, il est difficile de changer ces réflexes. Cependant, la crise a permis de donner une visibilité certaine à ces initiatives puisque les difficultés économiques poussent les personnes à inventer et rechercher des solutions alternatives qui leur permettront à moindre coût de conserver au maximum leur niveau de vie. Ce modèle n’est-il que passager ou peut-il se maintenir dans une société qui aurait dépassé la crise économique actuelle ? Le fondateur de Sharewizz défend son modèle. Certes l’aspect économique constitue un attrait non négligeable, mais même sans crise, économiser sur certains postes de dépense est un comportement naturel. Et outre cet aspect budgétaire, les considérations sociales et écologiques seront de plus en plus importantes et convaincront les futurs utilisateurs, dont les habitudes de consommation évolueront.
Le prêt d’objets entre particuliers suscite également cette question : allons-nous nous diriger vers une situation où un petit groupe de propriétaires possèdera tout et où un grand groupe de précaires devra emprunter ? Pour le fondateur de sharewizz, il est peu probable de se diriger vers une situation aussi dichotomique. Les bénéficiaires doivent avoir au préalable prêté un certain nombre de fois pour emprunter. De plus, les bénéficiaires réguliers, dans un esprit de don - contre-don, sont également enclins à donner. Au final, tout le monde est bénéficiaire et contributeur. Par ailleurs, il y a parfois des emprunteurs très méticuleux et des prêteurs plus sourcilleux. On peut rencontrer tous les profils. Il est inutile de pénaliser a priori tel type d’utilisateurs.
Sharewizz participe à établir une nouvelle communauté. Afin de sécuriser les prêts entre personnes qui ne se connaissent pas, la plateforme incite ses membres à remplir des conventions et à fournir des cautions. De plus, pour instaurer un climat de confiance entre les utilisateurs, elle a mis en place un système d’évaluation des internautes. Selon Benoît Renoul, ce système n’en est qu’à ses débuts et n’est pas encore stabilisé mais les moyens déployés jusqu’à présent assurent un filtre qui paraît efficace. Jusqu’ici, les retours d’expériences de prêts sont très positifs.