Celles-ci pourraient bien arriver jusqu’à vos oreilles..."
Voici une présentation de notre projet de carnet de voyage sonore qui se remplira d’histoires ordinaires et extraordinaires au fil des escales avec notre voilier Rouge.

" Le grand ennemi de la magie est le savoir. Si l’on s’en contente, on perd tout espoir de vérité."
Michel Hindenoch
Les contes et légendes d’un lieu sont une porte ouverte à la rencontre et une porte d’entrée dans une culture. En se glissant dans la faille de lumière des histoires, on peut éprouver, saisir, une dimension fragile : le sensible.
Pour vous chatouiller les oreilles comme une mise en jambe de notre projet de carnet de voyage sonore, voici quelques histoires glanées deci delà sur notre port d’attache du moment, Etel dans le Morbihan, ou chuchotées par le vent sur les dunes d’Erdeven. Elles auront bientôt le relief chaud des voix qui les racontent...
Rouge à Etel, hiver 2013.

"Ici on raconte qu’une femme aux cheveux longs comme la vie, noirs comme le jais et scintillants comme le soleil, vivait dans une cabane faite d’ajoncs et de bruyères dans les dunes de Kerminihy...
A marée haute, on la voyait marcher pieds nus, la chevelure flottant au vent, sur les traces laissées par l’écume des vagues dans le sable. Si on la suivait de loin, on pouvait voir que ses empreintes disparaissaient dans le ressac de l’océan et laissaient place à des étoiles de mer...
Il y en avait évidemment toujours pour dire qu’elle était un peu sorcière et on racontait, les soirs aux veillées, que sa mère avait été sauvée d’un naufrage grâce à l’enfant qu’elle portait en son sein et que depuis, la fille était liée par un contrat magique avec le royaume d’En-dessous.
Cette femme, arrivée par la mer on ne savait plus quand, avait en tous les cas le pouvoir de remplir les filets des pêcheurs quand ceux-ci remontaient vides dans les bateaux. A chaque marée d’équinoxe, on disait qu’en lançant au vent une plume d’oie sauvage, l’Oiseau qui vient d’au-delà des Vents du Nord, elle scellait un pacte avec Branwen, la Haute Dame des Eaux, pour faire revenir les poissons dans la rivière et dans la mer devant Etel.
Elle avait aussi le pouvoir de donner du sens aux signes qui dansaient sur les pages du livre duquel elle ne se séparait jamais, un savoir qu’elle transmit d’ailleurs à quelques enfants du village.
Cette femme, on l’appela Berc’hed, elle apporta l’abondance et les gens ne connurent pas la faim dans la région. Pourtant, un jour, le cœur des habitants d’Etel faillit...
La rumeur des pouvoirs et de la beauté de Berc’hed chevaucha les vents et arriva aux oreilles d’une bande de pirates de la mer d’Iroise. Ils arrivèrent sur la plage de Kerminihy par un fort vent d’ouest. Ils enlevèrent Berc’hed sous les yeux des villageois tremblant de peur et l’emmenèrent dans l’anse secrète de Ster Wen à Belle Ile. Elle ne leur révéla aucun de ses secrets et fut jetée du haut d’une falaise dans la mer déchaînée...
Avant de mourir, Berc’hed lança une malédiction sur les lâches habitants d’Etel. Elle saisit une poignée de sable fin et la jeta à l’entrée de la rivière... C’est ainsi que fut créée la célèbre Barre d’Etel, banc de sable mouvant, dont il faut toujours se méfier et qui rend l’entrée et la sortie de la rivière impossible par fort vent et houle de sud-ouest.
De cette histoire, certains habitants d’ici ont gardé la coutume de remettre les étoiles de mer dans l’eau à marée haute pour ne plus contrarier Berc’hed. D’autres ont sculpté une statue qui la représente avec une plume d’oie sauvage dans la main droite et serrant un livre sous le bras gauche. Il paraît que c’est le Livre des Révélations et que dans cette chapelle, on l’appelle Sainte Brigitte...
Ici encore, on raconte que les soirs de pleine lune et de tempête, on entend des hurlements sinistres qui donnent froid dans le dos. Ils viennent du large et plus précisément, du plateau des Birvideaux... Ce sont les gémissements des habitants de la ville d’Ays engloutie, il y a déjà des siècles, par les flots. Pour tromper leurs solitudes, les villageois attiraient autrefois les navires qui venaient s’éventrer sur les rochers à fleur d’eau...
Mais ça, c’est une autre histoire !"
En bruit de fond : le vent qui siffle dans les drisses, les cliquetis du bateau et les vagues qui s’écrasent furieusement aux pieds des falaises de Belle Ile. Et voilà votre esprit qui commence à voguer sur les mers de l’imaginaire...
" Là où se trouvent tes pieds commence le voyage." Lao Tseu
En septembre 2013, nous mettrons les voiles pour une traversée de l’Atlantique avec notre Albion 36, Rouge. Après trois ans et demi de chantier sur le bateau (http://dialinga.over-blog.com/) et presque autant à "gratter le lingot" pour mettre de l’argent de côté, l’air du large se fait de plus en plus sentir...
Voyage... Voyage... Pourtant, une question se pose toujours quand on part : comment faire pour ne pas rester à la surface des choses, des rencontres ? Comment pousser, entrouvrir les portes de l’altérité ?
Avec une passion pour les gens et une nouvelle pratique de raconteuse d’histoires, le conte s’est, un matin, posé comme une clef, un moyen d’échange. Car écouter une histoire, c’est ouvrir nos horizons sur d’autres façons de voir et d’expliquer les choses. Et raconter une histoire, c’est tisser un fil entre deux mondes, deux imaginaires.
L’idée est donc de partir à la découverte des lieux où nous nous arrêterons par ce que les gens en racontent. Et pour ne pas être en reste, nous les ferons venir en Bretagne grâce aux histoires recueillies d’Etel à Ouessant en passant par Brest , voir même par le Haut-Léon !
Avec notre goût commun des rencontres et nos pratiques complémentaires du récit et de la prise de son, nous avons donc comme projet de vous proposer un carnet de voyage sonore qui se remplira au fur et à mesure des escales d’histoires ordinaires et extraordinaires, de la vie de femmes et d’hommes de la mer...
Et pour entendre toutes ces aventures océaniques, nous allons créer un audioblog "Nées du vent et de la mer" que nous vous ferons partager grâce à une liste de diffusion.
Notre itinéraire n’est pas arrêté et plutôt ouvert au gré des vents et des courants, car comme le disait un célèbre amiral : "En mer, seul l’imprévu est certain !"... Nous savons au moins que nous traverserons l’Atlantique au départ de Ouessant.
Escales fort probables : les côtes espagnoles et portugaises, les Canaries, le Cap Vert, peut-être un peu d’Afrique, les Antilles...
