François-Michel Lambert : « L’économie circulaire ne se résume pas au recyclage »


Contexte saisit l’occasion de la « conférence de mise en oeuvre de l’économie circulaire » pour consacrer un dossier à ce nouveau modèle de développement économique. Rencontre avec le député écologiste le plus engagé sur le sujet.

François-Michel Lambert : « L’économie circulaire ne se résume pas au recyclage »
Depuis son élection en 2012, le député des Bouches-du-Rhône, l’écologiste François-Michel Lambert se consacre à la promotion de l’économie circulaire, qui prône la réutilisation et le recyclage pour préserver les ressources et économiser l’énergie.


Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à ce concept « d’économie circulaire » ?
J’ai travaillé au sein du groupe Pernod-Ricard sur l’enjeu des emballages et de l’assurance qualité. Au moment de la loi Lalonde de 1992, j’ai participé à la mise en place de l’Adelphe, l’organisme chargé de gérer la fin de vie des emballages.

Plus tard, j’ai également fait du conseil auprès des collectivités et me suis spécialisé sur l’aménagement du territoire et les flux logistiques. Il fallait structurer les territoires pour que les déchets des uns deviennent les ressources des autres, avec des circuits courts. J’ai alors travaillé sur les problématiques d’écologie industrielle et de « déchets négatifs ».

Militant écologiste depuis 1992, je suis enfin élu dans une circonscription qui comprend le bassin minier de Gardanne. Les mines, il n’y a rien de plus linéraire !


Pourquoi avoir créé l’Institut ?
Une fois élu, j’ai regardé ce qui se faisait dans d’autres pays et réalisé qu’une dynamique s’enclenchait de toutes parts.

J’ai décidé d’y consacrer mon mandat. Pour donner de la visibilité et peser sur les décisions publiques, il fallait commencer par structurer tous les acteurs dans une association. C’est ainsi qu’est né, en février 2013, l’institut de l’économie circulaire, que je préside. Quasiment tous les acteurs approchés ont suivi rapidement. La création de l’institut correspondait à une vraie demande.


Quels sont les chantiers prioritaires ?
La fiscalité et les normes comptables.

L’ensemble de la fiscalité est construite sur des concepts anciens. Aujourd’hui, vous n’avez fiscalement aucun intérêt à remettre sur le marché des pièces détachées de déconstruction. Elles auront exactement la même charge fiscale qu’une pièce totalement neuve. Il faut réussir à mettre en place des taux de TVA différenciés pour favoriser la réutilisation et l’utilisation de matière recyclée.

Le problème est le même pour les normes comptables. Les entreprises qui recyclent ne peuvent pas valoriser, dans leurs comptes, leurs actions en faveur de l’économie circulaire. Un stock entreposé dans un hangar est valorisé de la même manière qu’un stock utilisé et recyclé en permanence.


Comment le gouvernement considère-t-il le sujet ?
Nous entretenons des échanges très étroits avec le ministère de l’Écologie. L’entente est également bonne avec le ministre de la consommation, Benoît Hamon : certains concepts de l’économie circulaire, comme par exemple les dispositions relatives à l’obsolescence programmée, ont commencé à être pris en compte dans la loi sur la consommation.

Mais certains ministères, comme celui du Redressement productif, sont encore frileux et très marqués par le modèle de l’économie linéaire.

Lors de la conférence environnementale, la vision exprimée par Arnaud Montebourg résumait l’économie circulaire aux seules questions du recyclage. Certes, c’est un élément important de l’économie circulaire, mais ce n’est pas le seul.


D’autres parlementaires s’intéressent à ce nouveau modèle. L’engagement est-il transpartisan ?
Oui. La première réunion du club parlementaire de l’économie circulaire s’est tenue le 13 novembre. Il regroupe une quarantaine de parlementaires, qui s’intéressent habituellement à l’écologie, comme Chantal Jouanno (UDI) ou encore Dominique Potier (PS).


Aucun UMP ?
Je ne désespère pas de finir par convaincre deux ou trois députés…


Lorsqu’elle était ministre de l’Écologie, Delphine Batho a évoqué une loi cadre pour l’économie circulaire. Cette idée a-t-elle avancé ?
Les acteurs économiques ont besoin de visibilité et donc d’un signal politique. Il est nécessaire de disposer d’une feuille de route pour modifier une législation construite, depuis 150 ans, sur les bases de l’économie linéaire.

Le calendrier est encore incertain, le gouvernement n’annonçant rien sur le sujet pour 2014. Mais l’important est que ce texte soit examiné au cours de la législature.

S’il tarde à venir, déposer une proposition de loi dans le cadre de la niche parlementaires du groupe écologiste sera possible. Mais un projet de loi serait vraiment préférable, car la démarche se veut transpartisane et ne doit pas être estampillée « écolo ». C’est au gouvernement de fixer des caps.


Qu’attendez-vous de la conférence de mise en oeuvre de l’économie circulaire du 16 décembre ?
Il y a urgence, donc j’en attends beaucoup. Et comme d’habitude, je serai déçu. Mais il ne faut pas se focaliser sur ce seul événement. Le bilan de l’action menée depuis un an est très satisfaisant.

Interview du magazine Contexte


Cet article est repris du site http://www.institut-economie-circulaire.fr/Francois-Michel-Lambert-L-economie-circulaire-ne-se-resume-pas-au-recyclage_a398.html
Posté le mardi 17 décembre 2013
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